samedi 27 juin 2015

"On the move" - une lecture de l'autobiographie d'Oliver Sacks (2015)

Oliver Sacks, médecin et écrivain né en Angleterre en 1933, a été longtemps professeur de neurologie à la New York University et auteur d’une douzaine de livres très populaires. Leur thème commun est la perception, par les patients souffrant de maladies neurologiques, de leur état, et la manière dont ils font face et surmontent leur handicap. Ses titres les plus connus sont L'éveil et L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Il s’est pris plusieurs fois comme sujet de ses livres, puisque Sur une jambe par exemple, raconte comment il a dû lui-même faire face à son absence de perception d’une de ses jambes. Il a écrit d’innombrables articles et des livres sur la vision des couleurs, la perception de la musique, les hallucinations, la surdité et j’en passe.

On the move, son autobiographie, est son treizième livre 

Le treizième, et malheureusement le dernier, car en février dernier, Oliver Sacks a annoncé dans un billet publié par le NYTimes qu’il était atteint de métastases d’un cancer opéré il y a plusieurs années, et qu’il n’avait plus que quelques mois à vivre. Ça m’a beaucoup ému, parce que j’ai lu son premier livre, Migraine, au cours de mes études de médecine, pendant les années soixante-dix et j’ai suivi sa carrière depuis. À l’époque, j’étais très intéressé par la migraine, une maladie qu’on avait souvent tendance à mésestimer et à diagnostiquer n’importe comment en France : comme les migraines concernaient surtout des femmes, et qu’elles avaient souvent des signes digestifs, on parlait de « crise de foie » (si, si, je vous assure) sans se préoccuper des maux de tête intenses, et des hallucinations dont elles souffraient. C’est un livre qui m’a éclairé et aidé à comprendre ce que ressentaient les patients – et aussi à faire le diagnostic de migraine chez des hommes, chez qui ça passait souvent inaperçu. Enfin, c’était écrit dans une langue très accessible et si ce livre et les suivants ont remporté un grand succès populaire – car Sacks est un écrivain populaire – c’est parce qu’il rend compréhensible pour le plus grand nombre des syndromes considérés comme obscurs pour la plupart des médecins.

Né en Angleterre, il part pour l'Amérique 

Comme il le raconte dans On the move, avec beaucoup d’humour, ses parents et plusieurs membres de sa famille étaient médecins, et lui même s’est destiné à la médecine très tôt, mais une fois diplômé, quand il a vu qu’il aurait du mal à se faire un nom parmi tous les docteurs Sacks de Londres. Il s’est dit qu’il aurait plus de chance ailleurs. Il a quitté la Grande-Bretagne, d’abord pour le Canada, puis pour travailler en Californie, et enfin New York. Il faisait de la moto depuis longtemps, et toute la première partie de son autobiographie parle de ses équipées en solo ou avec des compagnons de route occasionnels à travers tout le continent américain. Le livre commence d’ailleurs à l’adolescence, il parle peu de son enfance abordée dans un précédent livre, Oncle Tungstène, et d’emblée il aborde un sujet qu’il avait tu toute sa vie. Oliver Sacks a vécu seul la plus grande partie de sa vie, car, dit-il, il était homosexuel mais aussi extrêmement timide et terriblement romantique. il faut rappeler que dans les années cinquante, en Amérique comme en Angleterre, les relations homosexuelles étaient passibles de prison et que la réprobation sociale était féroce. On comprend en le lisant que ce soit un volet de sa vie sur lequel il soit toujours resté très discret mais On the move parle ouvertement de son éveil à la sexualité et de ses relations amoureuses, et avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, à l’image de sa personnalité.

Toute la première partie de On the move nous prépare à comprendre que sa sensibilité et son intelligence sont tournées vers la compréhension de ce que les autres ressentent. Il est exposé à la maladie mentale très tôt car son frère le plus proche, Michael, est schizophrène, et il décrit aussi bien les tourments de son frère et de ses parents que les sentiments conflictuels qu’il éprouve lui-même à son égard. Et, ça le prépare à écouter avec attention les patients qu’il va rencontrer, et à retranscrire leur expérience dans ses livres.

Il se tourne vers la neurologie parce qu'il est à la fois un patient et un soignant

C’est une préoccupation de toujours, car il a souffert toute sa vie de ce qu’on appelle une prosopagnosie : il ne reconnaît pas les visages. Et pendant ses années de formation en Californie, en même temps qu’il soulève des poids à Muscle Beach et fait son apprentissage amoureux, il expérimente beaucoup de drogues, surtout les amphétamines. Il a d’abord cherché à faire de la recherche en laboratoire, mais plusieurs de ses patrons lui conseillent plutôt d’aller se confronter aux patients, ça fera moins de dégâts, et c’est drôle, parce qu’il y a beaucoup de médecins à qui on devrait conseiller l’inverse… Mais Sacks, justement, est un très bon clinicien, il est très attentif, très dévoué, il ira même jusqu’à vivre pendant plusieurs mois dans l’hôpital neurologique où il commence sa carrière, au point d’être de garde vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il dit lui-même vouloir devenir une sorte de neurologue généraliste, tourné vers les patients.Tout ce qui concerne le système nerveux, ses dysfonctionnements, sa stimulation et ses perceptions fautives le fascine, et il cesse d’utiliser des drogues en écrivant son premier livre, Migraine, parce que l’écriture lui procure des plaisirs identiques, sans le mettre en danger. 

Le succès vient avec son deuxième livre, L’éveil. 

Il est médecin dans un service de patients neurologiques chroniques, et près d’une centaine sont plongés dans la torpeur depuis près de trente ans à la suite d’une épidémie d’encéphalite survenue dans les années trente. À l’époque, on vient de commencer à tester la l-dopa, le médicament utilisé pour soigner la maladie de Parkinson, et il a l’idée de faire la même chose avec ses patients. Et ça donne des résultats spectaculaires puisque beaucoup se réveillent, se remettent à parler et à bouger, mais les effets des médicaments sont imprévisibles et pour certains, ne durent pas. Et ces patients, qui ont été voués au silence pendant des décennies, lui demandent de raconter leur histoire et ce sera L’éveil. Il aura beaucoup de mal à le publier, il devra d’ailleurs retourner en Angleterre pour ça, car la communauté médicale est très hostile à ce qu’il transcrive les expériences de patients de cette manière. Ils collaboreront avec lui à un documentaire pour la BBC, et son livre sera adapté au cinéma avec Robin Williams et Robert De Niro, tous deux remarquables. 

Le film soulève de nombreuses questions éthiques, sur l'expérimentation empirique (le médecin administre à des patients léthargiques un médicament qui n'a jamais été utilisé dans cette situation) et sur ses conséquences. Mais aussi sur la manière dont on abandonne les patients à leur sort, lorsqu'on ne sait pas quoi faire pour les soigner.





Je n’ai pas le temps de vous raconter toute la vie d'Oliver Sacks, et je le ferai moins bien que lui, mais je vous recommande vivement son autobiographie, c’est un beau récit, très émouvant, souvent très drôle, truffé de textes de jeunesse passionnants. C’est aussi un livre lui même on the move : il prend beaucoup de libertés avec la narration en retournant en arrière ou en anticipant sur la narration. Pour le moment il n’est disponible qu’en anglais, mais je suis sûr qu’il sera traduit bientôt – et j’adorerais le traduire, car comme vous l’aurez senti, je me sens très proche d’Oliver Sacks, qui a consacré une grande partie de sa vie à faire entendre la voix des patients tout en montrant, c’est clair dans cette autobiographie, qu’il ne s’est jamais senti différent de ceux qu’il a soignés, comme en témoigne un autre texte autobiographique, Sur une jambe. 


MWZ

Une version audio de cette chronique figure sur le site des Eclaireurs, l'émission du samedi sur Radio-Canada :
Le texte dans lequel, au début de l'année 2014, Oliver Sacks annonçait qu'il était en phase terminale de son cancer est sur le site du New York Times. 

mardi 16 juin 2015

Une consultation gynécologique éprouvante

Soigner, c'est d'abord prendre en compte la perception de celles et ceux qu'on soigne.

Maud m'a envoyé ce témoignage, "à chaud" d'une consultation qu'elle venait de vivre. Il n'est pas fréquent que ce type d'expérience soit noté sur le champ. L'intensité de ce qu'elle a ressenti n'en est que plus frappante. Car soigner ça ne consiste pas seulement à faire des gestes stéréotypés sans les expliquer ni les justifier, à imposer sa manière de voir, à être inquisiteur, à porter des jugements de valeur. Soigner ça consiste à appréhender ce que le patient dit avec ses mots, selon ses propres termes et à adapter son savoir et son savoir-faire à chaque personne. Soigner, cela consiste toujours à s'interroger sur ses actes à travers perception que chaque personne peut avoir de ce qu'on lui fait, de ce qu'on lui dit. Un.e patient.e qui subit ses symptômes (ou ses craintes) ne devrait jamais avoir à subir, en plus, la maltraitance des soignants.

Je publie ce texte aujourd'hui à titre d'exemple de toute une ribambelle de comportements maltraitants. Vous les identifierez sans peine si vous vous mettez à la place de Maud. Tous les commentaires (de professionnels ou de patient.e.s) sont les bienvenus et seront publiés après validation.

M.W.

*****

Aujourd’hui je vais chez une gynécologue, c’est mon premier rendez-vous avec elle. C’est un médecin qui me suit qui me l’a conseillée alors je suis plutôt confiante. Je ne souhaite plus retourner chez mon ancien gynécologue depuis qu’il m’a dit que mes infections urinaires à répétition n’étaient pas des « vraies infections » et que le germe n’était pas un « vrai germe » ce qui a failli me valoir une pyélonéphrite (Note de MW : Infection rénale). J’ai appelé en janvier et n’ai eu rendez-vous que fin mai. Une gynéco à ce point overbookée elle doit être bien !

La salle d’attente est tellement bondée que tout le monde n’a pas une place assise. Elle a du retard, mais c’est surtout la dermatologue avec qui elle partage le cabinet qui est très en retard. Après 35 minutes d’attente c’est mon tour.

« Bonjour, allez-y je vous en prie » Au premier abord, elle parait chaleureuse, un bon point
  Installez-vous, et dites moi ce qui vous amène .
 —Je vais essayer de vous raconter, je ne sais pas vraiment comment faire 
 — Allez-y. 
 — Il y a un peu plus d’un an quand j’ai rencontré mon compagnon, très vite après le début de nos rapports, j’ai commencé à avoir des infections urinaires à répétition. Et aussi des mycoses, mais bon des fois c’était que urinaire. 
 — Des fois l’un, des fois l’autre, des fois les deux
 — Oui, c’est ça, donc ça c’était en mars et puis j’ai donc essayé tout un tas de choses, ça me rendait folle, j’ai fait 7 ou 8 infections, et en septembre j’ai décidé d’arrêter la pilule, parce que je sais que les hormones ça peut modifier un peu le terrain et je voulais tout remettre à plat dans mon corps, et du coup on a recommencé à mettre des préservatifs et alors je n’avais plus de problèmes. Je suis vraiment contente d’avoir arrêté la pilule.  Mais au bout d’un moment bin les préservatifs c’était compliqué sur le long terme et donc il me fallait une contraception. En fait au départ je voulais vous voir pour ça, mais comme je n’ai eu rdv qu’en mai, il valait mieux que je fasse quelque chose avant car ça devenait risqué, alors mon médecin traitant m’a mis un dispositif intra utérin, en cuivre, sans hormones.
 — C’est quoi comme stérilet ? 
 — Heuu short quelque chose 
 — Vous n’avez pas la carte qu’on vous donne avec ? A quelle date vous l’avez mis ? 
 — Heu non je n’ai pas la carte 
 — Donc short quelque chose……. 
 — Donc je l’ai mis le 23 mars ah oui mais aussi ce que je voulais vous dire c’est que depuis septembre où j’ai arrêté la pilule bin je n’ai plus mes règles enfin je ne les ai eu qu’une seule fois, en janvier. Et puis après pour mettre le stérilet le médecin m’a dit qu’il fallait le poser pendant les règles alors on a provoqué les règles parce qu’elles n’arrivaient toujours pas en mars, j’ai pris du duphaston et puis ça les a fait venir. Et puis après ça comme ça n’arrivait toujours pas tout seul elle m’a proposé de faire un bilan hormonal et puis il fallait encore faire la prise de sang pendant les règles alors on a reprovoqué les règles avec du duphaston et puis j’ai pu faire le bilan hormonal là très recemment, voilà les résultats
 — Ah très bien montrez moi. Alors… oui… effectivement… l’alpha hydroxy progesterone est trop élevée.. boh toute façon vous avez une dystrophie des ovaires vous… Pas de regard, pas d’explication enfin il faudra voir ça sous échographie
 — Ah mais heu j’ai fait des echographies l’été dernier justement parce qu’à force d’avoir des infections urinaires et bin j’avais tout le temps mal dans le bas du ventre, la douleur partait plus alors j’ai fait plusieurs echo et même une IRM, tout était normal, rien, pas d’anomalie, pas d’endométriose. J’ai justement le compte-rendu d’une échographie pelvienne tenez.
 —Oui enfin normal, normal… Y a pas les dimensions ... Vous n’avez pas les clichés ?
 — Non je les ai pas pris.
 —Vous aviez beaucoup d’acné adolescente ?
 —Non. 
 —Pas de boutons d’acné ? parce que là vous en avez un peu sur le visage
 —Bin justement depuis que j’ai arrêté la pilule j’ai de l’acné qui est apparu dans le dos surtout alors qu’avant j’en avais pas
 —Et quand vous étiez adolescente vous aviez des cycles réguliers ?
 —Heu bin en fait je sais pas trop parce que j’ai pris la pilule tout de suite
 —Vous avez eu vos règles à quel âge ?
 —Quatorze ans et demi
 —Et vous avez pris la pilule à quel âge ?
 —Quatorze ans et demi
 —Vous en aviez besoin en terme de contraception ou vous l’avez prise parce que vous aviez de l’acné ? Je vois pas pourquoi tu me demandes ça alors que je t’ai dit que j’avais pas d’acné
 —J’en avais besoin en terme de contraception Voilà maintenant tu sais à quel âge j’ai eu mes premiers rapports. 
 —Ah et aussi j’oubliais de vous dire mais depuis donc que j’ai mis le stérilet et que donc on a arreté les préservatifs j’ai eu très rapidement une grosse mycose, très douloureuse. Donc je me pose un peu la question par rapport à mon partenaire aussi, est ce que c’est possible d’avoir des « flores incompatibles » ?
 —C’est possible qu’il soit porteur de quelque chose si ça revient, est ce qu’il lui arrive d’avoir des petits boutons, des rougeurs, la peau qui pèle ?
 —Il avait consulté mais on lui avait dit qu’il avait rien à faire de son côté
 —Est-ce qu’il a déjà eu des boutons des choses comme ça
 —Bin il a déjà eu des petits boutons mais on lui a dit que c’était pas pathologique que c’était juste un excès de sé..
 —Vous fumez ? Heu elle vient de me couper la parole pour me poser une question qui n’a rien à voir, j’en reste bouche-bée. Je vous écoute hein, mais j’avance dans mon interrogatoire. Mince mes réponses sont trop longues peut être ? Il y a plein de patients dans la salle d’attente il faut que je me dépêche..
 —Heu non.
 —Venez je vais vous examiner

 On se dirige dans la salle à côté, il y a une table courte avec les fameux étriers, et un petit coin caché d’un rideau pour se deshabiller. « Vous enlevez le bas »
Je m’installe sur la chaise, les jambes dans les étriers. Elle sort un speculum, et sans une parole sur ce qu’elle va faire, elle me l’introduit en disant

 Bon, j’arrive dans la course après donc je vous le dis quand même mais le stérilet en cuivre, ça comporte aussi ses risques, ça ne protège pas des infections hautes, voire même ça les favorise, hein parce que bon un champignon là ça va mais dès qu’il y a une bactérie, qui en temps normal resterait au niveau du vagin, et bin avec le stérilet, hop ça remonte, et ça va dans l’utérus, et moi je vois plein de jeunes filles qui font des salpingites sur stérilet ! Alors je préfère prévenir deux fois qu’une hein, il faut rester bien attentif à vos symptômes
 —Oui, je suis bien attentive
 —Non mais je préfère mettre en garde hein, parce que j’en ai vu tellement hein, qui pensent « j’ai un stérilet donc il peut rien m’arriver », le stérilet ne protège pas non plus des grossesses extra-utérines !
 —Ah oui ma mère a eu une grossesse sous stérilet et elle a fait une fausse couche à 5 mois de grossesse du coup
 —Non mais là vous parlez d’une grosse INTRA utérine, ça c’est PAS GRAVE moi je vous parle d’une grossesse EXTRA utérine c’est pas du tout pareil parce que dans le cas d’une grossesse EXTRA utérine, hein dans la trompe et bin la trompe après elle explose et on peut mourir d’une hémorragie interne.
 —….

Pendant ce temps elle m’introduit divers cotons-tige dans le vagin, toujours sans m’expliquer, je sens une sensation très désagréable et douloureuse au niveau du col de l’utérus, j’en déduis moi-même qu’elle fait un frottis, mais quand même c’est long.

 —Donc il faut bien faire attention
 —Heu oui mais vous savez moi je suis très attentive voire trop attentive, j’ai des tendances hypocondriaques alors peut être c’est pas la peine de me dire tout ça
 —Ah mais moi c’est comme ça que je fonctionne, c’est peut être pas la façon de faire de tout le monde mais c’est la mienne

Elle me retire enfin le speculum et prend un espèce de gros godemichet relié à une machine, sur laquelle elle déroule un préservatif. Encore une fois, aucune annonce de ce qu’elle s’apprête à faire, aucune explication. Je suppose que c’est pas pour se gratter l’oreille mais j’aimerais quand même qu’on me previenne avant de m’enfoncer des objets dans le vagin enfin au moins qu’on m’explique pourquoi c’est nécessaire.
 Elle enfonce son godemichet et regarde son écran, en faisant des grands mouvements de droite à gauche, ignorant mes grimaces

 Bon le stérilet il est bien posé, pour l’instant tout va bien… Bon comme je le disais, des ovaires dystrophiques…
 —Heu c’est quoi des ovaires dystrophiques ?
 —Ah, on vous a pas expliqué !

 Comment veux tu qu’on m’ait expliqué puisque tu viens de m’en faire le diagnostic il y a 5 minutes

 Non, on ne m’a pas expliqué
 —Et bien vous devez avoir des souvenirs, même s’ils remontent un peu loin, que l’ovulation est provoquée par un certain nombre d’hormones et de messages qui sont envoyées par l’hypophyse lui-même controlé par l’hypothalamus enfin bref c’est compliqué mais il y a plein de messages, d’influx nerveux qui commandent les ovaires et l’ovulation et il semblerait que pour un certain nombre de femmes, dont vous faites manifestement partie, il y a un problème au niveau de la commande et donc ça fait gonfler les ovaires et il y a plein de follicules..
 —Donc mes ovaires sont trop gros ?
 —Oui, un peu, mais c’est pas tant la grosseur que le fait qu’il y a plein de follicules mais sans qu’aucun domine pour faire une ovulation.
 —Donc j’ovule pas
 —Non, enfin peut être une ou deux fois par an c’est possible

Je me retiens de pleurer parce que plein de questions se bousculent mais je n’ose pas les poser et que ça me fait super peur ce truc d’ovaires dystrophiques mais qu’elle me dit pas si c’est grave, si c’est réversible, si il y a des traitements, si ça veut dire que j’aurai difficilement des enfants parce que bon j’ai 29 ans et je commence à y penser mais bon mon compagnon n’est pas prêt alors on va attendre mais….)

 —Attendez je vais vous palper les seins (je fais mine d’enlever mes jambes des étriers) NON je vous ai dit attendez je vais vous palper les seins
 —Ah donc je dois rester comme ça, les jambes écartées ?
 —J’en ai pas pour longtemps.
 —….
 —C’est qu’en fait si vous baissez les jambes vous perdez la position allongée. Ok..
 —Vous pouvez vous rhabiller

Je me sens étourdie

Donc en fait, vous m’avez ramené un certain nombre d’inquiétudes, concernant les infections à répétition, bon est ce que vous avez fait des prélèvements vaginaux ?
 —Oui
 —Mais quand vous avez été embêtée, par exemple là vous avez eu une mycose, pas le prélèvement d’il y a un an
 —Oui. Mais heu pour en revenir à cette histoire d’ovaires dystrophiques, heu..
 —Bon déjà ce qui est bien c’est de faire un contrôle, donc refaire une prise de sang car les bilans hormonaux, c’est pas toujours fiable donc on va en refaire un
 —Oui mais du coup…
 —Et en fait ça va pas vous faire plaisir mais le meilleur traitement c’est de prendre la pilule
 —Ah.
 —Bin oui c’est comme ça
 —Mais si le traitement c’est la pilule, si je veux avoir des enfants comment je fais
 —Bin il faut vous dépêcher ( !!) parce qu’il faut pas laisser s’installer la dystrophie des ovaires parce que si vous prenez pas la pilule ça va s’aggraver et dans quelques années ça va être difficile d’obtenir une ovulation

Ne pas pleurer

 Donc sur l’ordonnance donc un prélèvement vaginal (ah bon mais pourquoi je dois refaire un prélèvement vaginal j’ai dit que j’en avais déjà fait donc vous le faites en dehors d’un rapport sexuel hein donc pas de rapport la veille
 —D’accord..
 —Hein vous téléphonez vous prenez rdv et donc vous vous dites bin j’ai rdv demain donc ce soir bin pas de rapport ! j’avais compris la première fois merci
 —Et pour le frottis ça met un peu de temps pour les résultats vous inquiétez pas (je me serais pas inquiétée vu que tu m’avais pas dit que tu m’avais fait un frottis..).
 —Ok..
 —Et donc quand j’aurai les résultats, si besoin je vous appelle, et s’il faut se voir quelques minutes, je trouverai bien un petit moment. Quelques minutes
 —Ca fait 75 euros avec l’échographie. Donc c’était bien une échographie.

 Je repars avec la tête qui tourne, l’impression de flotter au dessus de mon corps. Je reprends mon vélo et je me perds, je me retrouve totalement à l’opposé, dans la commune au nord de la ville alors que je dois aller au sud.

Quand je rentre je me sens très mal et j’ai très envie de pleurer. Je vois juste un godemichet flotter devant moi et dire « il faut se dépêcher » en imaginant mes ovaires gonfler et éclater sans compter les fantasmes sur ce qui se passe dans mon hypophyse et mon hypothalamus. Je n’ai rien compris.

 Maud 

*********
Sur le même thème, dans ce même blog, on pourra lire 
"Pourquoi tant de gynécologues français sont-ils maltraitants ?"